...Ce qui est sérieux, ce qu'est peindre, c'est travailler comme sur la mer un galérien rame, dans la fureur, dans l'impuissance : et quand le travail est fini, que le bagne s'ouvre un instant, que la toile est accrochée, dire à tous, princes qui le croient, peuple qui le croit, peintres qui ne le croient pas, que cela est venu d'un seul coup, contre votre volonté et que miraculeusement en accord avec elle, sans fatigue presque comme un printemps qui vous pousserait au bout des pinceaux, que quelque chose s'est emparé de votre main.
Pierre Michon, Maitres et Serviteurs, ed. Verdier, 1990.